Mon histoire débute en février alors que chéri et moi épluchions la poste reçue dans la cuisine. Il regarde le bulletin municipal mensuel, grimace, rit et lâche un cri:
– Chérie écoute ça! À la une du Langevinette on lit: SHIT!
– Quoi?
– Ils ont écrit SHIT en lettre majuscule parce que la marmotte n’a pas vu son ombre!
– Voyons, la municipalité a écrit shit dans son bulletin? Ça se peut pas. Encore moins à la première page. Tu me niaises.
Ben non, chéri ne niaisait pas. Shit était bien écrit à la une, en majuscule en plus, séparé du paragraphe pour être CERTAIN qu’on le voit bien, comme si c’était tout à fait normal. Comme si on avait écrit: “Zut de flûte” ou “Saperlipopette”. Et je me suis demandé: “Mais il n’y a personne qui vérifie avant impression? Jamais on ne verrait ça ailleurs… L’auteur serait congédié!”
Inutile de dire que j’ai caché l’exemplaire pour que ma fille de 8 ans ne tombe pas dessus, des plans pour qu’elle écrive ça dans sa prochaine production écrite à l’école, pensant que c’est un bon mot…
Cette histoire me ramène tout de même plus de 12 ans en arrière, alors que mon coordonnateur de programme en journalisme me dit à la fin de mes études: “Va travailler en région éloignée! Va faire des erreurs et apprendre le métier! Quand tu reviendras, tu seras prête pour de grands médias!” Alors c’est ce que j’ai fait, je suis non seulement partie en région, je suis partie dans le village le plus éloigné que j’ai trouvé: Fermont! J’y ai effectivement fait mes erreurs comme journaliste radio, en ondes pour une population de 2000 habitants. J’ai bafouillé, fait des blancs en ondes, mal prononcé des mots, tutoyé des députés, etc. Bon, je n’ai pas sacré en ondes, je n’ai jamais dit shit, mais j’ai mis assez souvent mon pied dans ma bouche pour apprendre le métier! Je dois avoir fait une couple de “si” avec des “rait” par exemple.
Bref, mes gaffes ont été commises et la région éloignée de la Côte-Nord était mon théâtre! (Mille mercis et mille excuses pour avoir fait grincer vos oreilles chers Fermontois. Je garde d’excellents souvenirs de mon passage chez vous!)
C’est en voyant des gaffes tellement évidentes me passer sous le nez et en me rappelant que je suis moins même partie délibérément en région pour faire les miennes que je me questionne. C’est quoi, on est plus tolérant en région? On est moins perfectionniste? Ou tout simplement, on s’est habitué aux “à peu près”, aux “ça va faire l’affaires”, aux “ils s’en rendront pas compte” ou au pire du pire “On est juste en région, c’est pas grave”?
J’entends encore une administratrice de la radio fermontoise déclarer en réunion sur un ton semi-résignée: “Nous sommes une radio-école, ne nous en cachons pas! ” Elle avait bien raison car je suis loin d’être la première et la dernière à être aller faire mes dents en région. Il est évident que plusieurs jeunes et moins jeunes acceptent ce rôle d’étudiant dans leur première job pour apprendre. Cependant, est-ce que les organismes qui embauchent prennent toujours le rôle de professeur ? C’est là que je veux en venir.
Si les régions sont parfois des écoles, je souhaite alors qu’elles prennent leur rôle de “formateur” suffisamment à coeur pour faire grandir les gens qui y évoluent, pour encourager l’excellence, le dépassement, la rigueur, le plaisir et le professionnalisme. Tsé, question de contribuer à rendre notre monde meilleur. Parce que SHIT, nous ne sommes pas “juste en région”, et ce mot à la une de mon bulletin municipal, ben ça fait dur.