Récemment, j’ai eu le bonheur d’assister à un spectacle intitulé “Tous en coeur pour Radio-Canada Gaspésie-les Îles”. Une belle brochette d’artistes, une animation festive et touchante et une assistance pleine de beau monde. Une de ces soirées qui passent et qui restent en tête : musique, images et émotions.
Puis, est venue cette question au micro : “Qui a le pouvoir?”. Ma petite voix s’est à peine fait entendre quand un “nous?” s’est faufilé entre mes lèvres. Pourtant, ce n’est pas parce qu’il y avait trop de bruit. À cette question, l’assistance a répondu par un gros silence. Avait-on mal compris? Peut-être. Toujours est-il qu’il a fallu que la question nous soit posée plusieurs fois et qu’on la crie au micro pour que nous daignons faire entendre un “NOUS!” franc, à l’unisson.
J’ai “pogné de quoi” à ce moment-là. Une espèce de réalisation “qu’ils” ont réussi. “Ils” ont réussi à nous faire croire que nous n’avons pas le pouvoir, à nous faire croire que le tracé “qu’ils” suivent est défini et sans changement de trajectoire possible, peu importe l’avis des citoyen(ne)s. “Ils”, ce sont pour moi les gouvernements actuellement en place, au fédéral et au provincial. Se confortant bien dans les “je ne vous écoute pas puisque je suis”, nos élus – pas les miens, je vous (r)assure – ont réussi le tour de force de faire croire aux gens qui les élisent – ou pas – que leur opinion compte seulement une fois tous les quatre ans… et encore! Amorcé il y a sans doute bien longtemps, cette déconstruction progressive d’une réelle démocratie participative a ses effets jusque chez les plus allumés, articulés et politisés d’entre nous. Quand est-ce que le peuple québécois a-t-il cessé d’avoir espoir?
Mon texte n’a pas beaucoup de substance. Je pourrais approfondir ma réflexion et présenter les exemples qui se sont succédés au cours des dernières années pour étouffer la mobilisation citoyenne, pour discréditer les gens qui ont osé se lever pour exprimer leur désaccord, pour dénoncer la poudre aux yeux qu’on nous lance parfois de trop près. Mais en ce petit dimanche matin de printemps, j’ai plutôt envie de vous parler d’un ressenti sans trop y mettre de logique et d’analyse sociopolitique, d’un ressenti qui semble se répandre comme une trainée de poudre.
J’ai peur de ce que je ressens. J’ai peur de commencer à être si désillusionnée de ce qui se passe là où l’on tient les rennes du “vrai pouvoir” que j’en vienne à considérer le tout comme une fatalité, que je sente une jour, et de façon irréversible, que je n’y peux plus grand-chose.
Je me demande si nous sommes encore à l’époque où “El pueblo unido jamás será vencido*”? Et vous savez quoi? Je l’espère de tout coeur!
Au moment d’écrire ces lignes, je ne sais même pas comment conclure l’article… J’ai envie de vous demander des exemples de succès, j’ai envie de vous demander si vous ressentez aussi progressivement, insidieusement, cette perte de sentiment de “pouvoir faire quelque chose”, mais je n’ai surtout pas envie qu’on s’enfonce un peu plus dans une spirale défaitiste. Alors… que fait-on?
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*Le peuple uni ne sera jamais vaincu.
Le développement régional s’est vu porter quelques coups durs au cours des derniers mois. Les chroniques du Prof sont de petits bijoux d’information à ce sujet.
Maryève, une parole honnête et sincère n’est jamais perdue. Elle conforte les esprits inquiets et stimule l’engagement.
La démocratie participative qui se manifeste à travers tous ces groupes de citoyens qui interrogent ou contestent le bien-fondé d’orientations et de décisions gouvernementales ou de puissants groupes économiques et financiers, est un acquis important de la société québécoise. Elle est porteuse de valeurs sociales, culturelles et environnementales que la prédominances des considérations économiques et financières au coeur de l’action publique est souvent portée à négliger, voire à trahir.
Les manifestations étudiantes de ce printemps ont échoué. Non pas parce que les causes n’étaient pas pertinentes -les impacts sociaux des mesures d’austérité et l’essor de la filière pétrolière au Québec- mais plutôt du fait de la déficience de la logistique et du moment qui s’est avéré inapproprié. A-t-on porté attention aux revendications à l’origine des manifestations ? Non. Le désordre a été la pierre d’achoppement pour une critique de la forme plutôt que du fond des manifestations. Si nous convenons que le désordre ne peut être toléré, l’écoute et le dialogue méritent d’être encouragés. Or, le gouvernement sait ce qui est bon pour la population et il est l’allié des étudiants. Dixit Couillard. Point à la ligne
La participation citoyenne contribue au débat public sur des questions fondamentales de société. Elle peut à l’occasion contester le pouvoir établi et les décisions prises et générer quelque désordre. Au-delà de la confrontation momentanée il faut savoir entendre et écouter les messages qui sont adressés.
Si un gouvernement majoritaire se sent investi d’un pouvoir d’agir, n’a-t-il pas le devoir de l’ajuster à l’aune d’une sagesse populaire de plus en plus informée et documentée qui s’exprime à travers la démocratie participative ? Un gouvernement majoritaire doit de méfier des dérives qui peuvent l’entraîner vers des abus de pouvoir et ainsi contrevenir aux principes démocratiques.
Merci, Bernard. Je souhaite ardemment que l’engagement ne faiblisse pas, qu’il connaisse un nouveau souffle!
Je suis fermiers, j`ai participer à beaucoup de manifestations, dans les années 60 et 70, afin de faire avancer les choses ou pour contester ce qui nous semblait injuste ou malhonnête envers les gens de la base, et ça marchait, parce que dans notre temps il n`y avait pas de CAGOULÉS. De nos jours ça existe LÌNFILTRATION, ce sont des individus payé, qui sont là pour couillonner et couler les mouvements qui désirent manifester contre ce qui semble être mauvais pour le petit peuple, comme certaines lois des gouvernements, des pipelines et tout autre chose semblable. Ces agents de l`infiltration sont remarquables, par leur grandes gueules, toujours sur le devant, ont toujours la parole dans les assemblées, et ils ont vraiment l`air sincère, et ils empêchent la majorité silencieuse de se faire entendre, par l`intimidation. C`est dommage, mais c`est comme ça de nos jours, il faut faire avec, c`est ce qu`on trouvé nos gouvernements pour faire accroire que la contestation ça existe dans notre belle démocratie. Ne te décourage pas Maryève, ta génération va sûrement trouver un moyen pour contrer ces manières de faire de nos dirigeants, et grosses compagnies.
Après lecture de ton bel article Mary il semble que le documentaire franco-grec de Yannis Youlountas, Ne vivons plus comme des esclaves, amène quelques éléments clé à ces exemples de succès dont on a besoin pour s’inspirer et ne pas tomber dans le fatalisme et l’inaction. On y parle amplement de projets sociaux autogérés dont plusieurs coop et une radio de résistance pour ne nommer que ceci. Un paramètre intéressant du changement social observé en Grèce c’est, entre autre, le fait que les gens relativisent énormément la valeur de l’argent et du travail, consomment moins et s’engagent dans leur communauté. Les synergies qui se créent sont vraiment intéressantes! Laissons-nous inspirer. Soyons les créateurs et créatrices des alternatives dont nous avons besoin pour vivre et nous détacher d’un système [oppresseur] qui nous condamne presque à l’inutilité et qui nous fait croire que c’est la seule solution, que rien ne peut changer, voire que tout est parfait. Cessons de penser que nous n’y arriveront pas et que nous ne pouvons rien faire pour améliorer notre vie. Échangeons d’abord nos idées et passons à l’action. Faisons les choses différemment. Il y a un tas de possibilités j’ose croire. Il suffit de se rassembler. D’oser! L’audace est certainement une puissante alliée pour entretenir et réaliser les utopies. Et l’audace commence certainement en refusant, en choisissant. Un impératif est bien sûr d’être prêt à changer soi-même et à se départir de certains standards pourtant fort agréables. Dans cette perspective, j’en profite pour dire que de plus en plus d’alternatives et de nouvelles philosophies s’intègrent dans le système et dans notre propre vie. Je pense entre autre aux tiny houses, aux microhabitations, à la philosophie zéro déchet sans parler de l’achat local, de manger bio et j’en passe une tonne. Dans bien des cas, il suffirait que les règlementations changent pour que l’engouement prenne d’aplomb et pour que ça impulse des changements sociaux majeurs! Cela dit il y a plein d’axes sur lesquels on peut intervenir, à chacun son champs de bataille tant qu’on est dans la même armée ;o) !
Dans le début du docu une dame nommée Dora le dit: il faut se préparer psychologiquement aux impacts de l’austérité dès qu’elle s’installe parce que ceux-ci arrivent vite et atteignent tout le monde. Mais comme le démontre bien l’exemple grec: c’est NOUS au final qui avons le pouvoir!
Voici le lien vers le documentaire. Notez qu’il est possible d’en faire autant de diffusion qu’on le souhaite tant que c’est des diffusions non payantes. De plus, sur le site web du même nom que le film des affiches sont rendues disponibles ce qui facilite la promotion des diffusions.
https://mrmondialisation.org/film-integral-gratuit-ne-vivons-plus-comme-des-esclaves/
Comme on m’a souvent dit au Mali: “On est ensemble” !
Vos commentaires sont rafraîchissants et porteurs d’espoirs. La critique n’est pas suffisante. Il faut élaborer des argumentaires pour faire évoluer les mentalités et les comportements, et construire des alternatives. Heureusement, plusieurs s’y emploient. L’avenir est là !