Je tiens d’emblée à rassurer mes voisins : j’ai un travail. Il est vrai que la plupart du temps, je ne sors pas de la maison avant 17 h, mais reste que je travaille… fort… très fort… mais je le fais au fond de mon sous-sol. Rien ne paraît en surface… au sens propre comme au figuré!
Je fais partie de cette nouvelle catégorie de travailleurs, les « télétravailleurs ». Je ne suis pas travailleuse autonome; je suis salariée, j’ai une équipe de travail et un employeur, mais j’ai la chance de pouvoir faire mon travail à distance, à la maison et, de surcroît, au Témiscamingue. Vous me croyez maintenant quand je disais que j’avais de la chance?
Je suis traductrice depuis maintenant 10 ans. J’ai fait quelques années au gouvernement fédéral à Ottawa entre quatre murs de cubicule beaucoup trop beige. Comme tout le monde, j’habitais du côté québécois de la rivière. Je me tapais la circulation soir et matin ou les transports en commun où tout le monde sent beaucoup trop le spray net et le rince-bouche à 7 h le matin. La plupart du temps, j’arrivais déjà stressée au bureau. J’étais une fonctionnaire typique, quoi!
Maintenant, je descends les escaliers – parfois, j’y rencontre le chat, le seul obstacle sur ma route pour aller au boulot (et à mon travail en général) – et je m’installe à mon bureau : la journée commence calmement sans spray net ni trompette. Je me connecte à Microsoft Lync, je regarde qui est au bureau à Ottawa, je vérifie mes courriels et je commence à traduire. Après tout, c’est pour ça qu’on m’a embauchée.
-Oui, je peux me lever 10 minutes avant de commencer à travailler.
-Oui, je peux travailler en pyjama (d’ailleurs, les visites-surprises à la maison avant 11 h sont proscrites).
-Oui, il faut de la discipline, mais la discipline vient avec le métier puisqu’en traduction on a toujours des délais à respecter. Et on se discipline, parce qu’on finit par vraiment trop apprécier la liberté du télétravail.
-Oui, il m’arrive parfois de m’ennuyer d’avoir des collègues de travail en chair et en os.
-Mais, non je ne retournerais pas dans un cubicule beige.
Quand je sors mon ordinateur portable sur la terrasse pendant une belle journée d’été ou d’automne, je trouve que j’ai vraiment beaucoup de chance. En fait, même les froides journées d’hiver, je les apprécie : plutôt que de réchauffer la voiture, je chauffe le poêle.
Pour les travailleurs, les avantages sont plutôt évidents. Pour ma part, le fait de ne pas devoir faire de compromis professionnels est le principal. Je conserve un emploi stimulant et un salaire intéressant, mais je le fais dans l’endroit où j’ai choisi d’habiter.
Pour les employeurs, ils sont peut-être un peu moins évidents, mais ils sont pourtant assez nombreux : économies de coûts liés à l’entretien et aux bureaux, diminution de l’absentéisme (parfois quand on ne se sent pas top, travailler au chaud à la maison est un bon remède), augmentation de la productivité (vous n’allez peut-être pas me croire, mais les distractions sont étonnamment beaucoup moins nombreuses à la maison), moins de retards en raison des déplacements et la possibilité de recruter les talents peu importe où ils sont.
J’ai bon espoir que le télétravail sera une excellente option pour contrer l’exode des jeunes des régions. Certes, il n’est pas encore très répandu, mais je crois qu’il se révélera une très bonne solution dans l’avenir. Il suffit d’améliorer le réseau Internet haute vitesse dont les sauts d’humeur sont, en toute honnêteté, mon principal facteur de stress. C’est tout de même plus simple que d’inventer un Rapidotron.
Donc, à toi, le rural qui étudie en ville et qui prétexte ne pas pouvoir revenir vivre dans sa région natale, parce que sa profession ne le lui permet pas, je dis : il faudra te trouver une autre défaite, parce que celle-là n’en est plus une.
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