Une ruralité plurielle

Longtemps, on a associé l’espace rural aux activités agricoles, mais la ruralité d’aujourd’hui est beaucoup plus complexe et se décline en une multitude d’activités, de fonctions, de paysages naturels et construits, de communautés et de cultures aux couleurs locales particulières.

La mise en cause du rural comme objet scientifique pertinent a été particulièrement vive depuis une vingtaine d’années, allant jusqu’à contester l’intérêt d’une sociologie rurale qui n’aurait plus de raison d’être. On questionne une spécificité rurale profondément bouleversée par la pénétration de l’urbanisation.

Ces interrogations sur la notion de «ruralité» et sur la permanence d’une spécificité rurale sont principalement alimentées par deux tendances lourdes à l’œuvre dans les sociétés développées. D’une part, la mobilité des populations entre villes et campagnes et l’homogénéisation territoriale des modes de vie font perdre beaucoup de sens aux distinctions établies entre l’urbain et le rural. D’autre part, l’ampleur du recul démographique et économique de l’agriculture comme source d’emploi et moteur économique en milieu rural, conduit à ce que tout le monde reconnait aujourd’hui : l’agriculture ne fait plus la ruralité.

Essentiellement agricole et sylvicole antérieurement, le milieu rural est en pleine transformation et accueille désormais des fonctions de résidence, de détente, de production et de transformation, de loisirs et de vie alternative notamment pour les habitants des grands centres urbains (néoruraux).

« De plus, il n’y a pas qu’un seul mode de vie rural, mais bien des modes de vie ruraux, qui varient selon les caractéristiques biophysiques ou culturelles locales. Par exemple, on peut se demander ce que peuvent avoir en commun les plaines agricoles de la région de Montréal, les territoires forestiers de l’Abitibi, les régions côtières de la Gaspésie ou les communautés minières du Nord-du-Québec. » Solidarité rurale du Québec.

Des milieux en pleine transformation

L’origine, la nature et l’intensité des transformations des milieux ruraux dépendent fortement des caractéristiques géographiques des espaces ruraux, par exemple leur situation par rapport aux grands pôles urbains ou leur accessibilité, et du contexte économique et politique.

Les évolutions à la fois économiques, démographiques, politiques, sociales et technologiques ont des conséquences majeures sur l’organisation et le dynamisme des espaces ruraux. Les progrès en agriculture et l’effondrement des économies traditionnelles, ont par exemple accéléré le déclin de certains territoires, alors que d’autres apparaissent très attractifs et particulièrement convoités par d’autres fonctions, surtout s’ils se situent à la périphérie des villes ou facilement accessibles.

Ces évolutions entrainent de nouveaux enjeux et de nouvelles problématiques de développement et d’aménagement du territoire. Comment freiner le déclin de certains espaces ruraux ? Comment répondre aux défis de la reconquête d’autres territoires ruraux ?

Les transformations récentes ou en cours, ont parfois été initiées par les populations locales, mais elles découlent le plus souvent de contextes et de décisions extérieurs à ces territoires (causes exogènes). Mais quelle que soit leur origine, ces évolutions ont incontestablement des conséquences sur les perceptions, les comportements et les représentations identitaires des populations concernées, ainsi que sur les paysages construits.

Alors que certains phénomènes (pratiques agricoles, parcs industriels, rues commerçantes et centres d’achat, urbanisme et architecture, etc.) tendent à uniformiser des composantes de la campagne, la préservation, la célébration, voire la réinvention du patrimoine et des traditions locales deviennent des enjeux forts et de véritables projets de territoire. De nouvelles rivalités de pouvoir et des réactions de rejet peuvent également apparaitre pour contester des projets de développement, les pressions foncières sur certains espaces convoités, ou tout ce qui est perçu comme nuisible à l’environnement naturel et bâti. Les conflits d’aménagement et les réactions à caractère identitaire sont nombreux dans les espaces ruraux en mutation et pas seulement en zones périurbaines.

Des caractéristiques fondamentales de la ruralité

Si la campagne est caractérisée dans plusieurs régions par une occupation agricole importante des sols, sa population n’est pas forcément liée à l’agriculture. Dans les pays développés, une partie souvent majoritaire de la population rurale travaille dans les secteurs secondaire et tertiaire. La campagne est alors parsemée d’entreprises industrielles et de services, en plus d’être parfois un espace fortement touristique. La fonction récréotouristique a connu un spectaculaire développement du fait notamment de la mobilité spatiale de la population et de la hausse du niveau de vie.

Au-delà de leurs disparités et des réalités qu’ils partagent avec la ville, les territoires ruraux présentent des caractéristiques spécifiques qui font d’eux des milieux distincts qui pourraient se résumer ainsi selon Solidarité rurale du Québec :

  • Une faible densité de la population et des établissements humains;
  • Une prédominance des usages agricoles, forestiers, ou naturels du sol;
  • Une organisation et un équipement du territoire à la mesure d’une population dispersée;
  • Un mode de vie de ses habitants caractérisé par un rapport particulier à l’espace, à la nature, au climat et aux saisons;
  • Une sociabilité particulière et un fort esprit communautaire au sein de collectivités où les membres se connaissent et s’identifient au territoire;
  • L’exercice d’une gouvernance locale de proximité.

Un peu partout, de nouvelles ruralités prennent forme sous l’émergence de nouvelles valeurs d’usage des espaces ruraux et des demandes sociales pour la reconnaissance de la contribution unique du rural à l’ensemble de la société. De nouvelles dynamiques articulées à celles de la ville voient le jour. Mais la ruralité est toujours en construction. L’avenir du monde rural dépend certes des ruraux, mais pas seulement d’eux : c’est l’ensemble de la société qui est désormais concernée. » SRQ

Cette spécificité se situe dans une diversité d’attitudes, de traditions socioculturelles, de liens avec la nature et de caractéristiques économiques et environnementales. Cette spécificité procure au milieu rural son attractivité et doit donc être préservée, tout en assurant une réponse adéquate et durable aux besoins de ses occupants.

Comme il a été dit dans une chronique précédente, la distinction de la campagne par rapport à la ville tient moins dans les activités qu’on y exerce que dans la façon d’habiter le territoire.

Nouvelles ruralités et média sociaux

Les chercheurs « cherchent » à identifier par leurs observations, études et analyses ce qui caractérise la ruralité d’aujourd’hui. Il est une source d’information qui véhicule des messages révélateurs et illustratifs de l’évolution des territoires ruraux et des nouveaux modes de vie en émergence : il s’agit des médias sociaux supportés par les technologies de l’information et des communications : blogues, forums, Facebook, Twitter, etc.

Ces médias sociaux qui alimentent de vastes réseaux, diffusent des perceptions, des comportements, des choix d’activités… tout autant que des motivations, des valeurs, des préoccupations, des implications… qui témoignent du sens et de la portée des ruralités actuelles dont les caractéristiques fondamentales ne sont pas forcément évacuées.

Néorurale.ca participe à sa manière à révéler le monde rural actuel, les préoccupations et les activités des gens qui l’habitent, les forces qui l’animent.

*************************

Mes contributions à ce blogue seront suspendues pour les prochaines semaines. Il m’est difficile de préciser la date de mon retour. Je souhaite à chacun et chacune un très bel automne… à la campagne! À bientôt!