Le 101e numéro sera le dernier pour le journal L’Odyssée de Rapide-Danseur.  Le manque de relève aura eu raison d’un petit journal communautaire fort apprécié de ses lecteur locaux comme d’ailleurs.  Le temps est venu de tourner une page sur toute une époque d’implication au sein de notre petit village de l’Abitibi-Ouest.

Le journal L’Odyssée de Rapide-Danseur est né d’une initiative citoyenne en 1999, à un moment où les médias communautaires étaient encouragés par le CLD, Solidarité rurale, etc.  L’Odyssée a survécu 15 ans et des poussières contre vents et marrées.  Dans ses meilleures années, de six à huit personnes travaillaient à sa production. Arrivée en 2000 dans cette petite équipe journalistique, je ne croyais pas rester aussi longtemps.  Au fil du temps, le comité du journal s’est révélé être pour moi un outil d’intégration sociale dans un village qui n’était pas le mien.  Les membres du comité sont devenus mes amis, mes enfants ont grandi avec leurs enfants.  L’Odyssée m’a aussi permis de garder l’écriture dans ma vie.

Notre journal communautaire a eu des hauts et des bas au fil de l’implication citoyenne.  Avec le temps, le comité a vu partir des membres.  L’Odyssée de Rapide-Danseur a suivi la pente descendante de l’implication des gens dans le communautaire, particulièrement suite au  75e anniversaire de la municipalité qui a mobilisé comme jamais, mais qui a ensuite laissé la communauté exsangue, les bénévoles fatigués.  Au cours des trois dernières années, le comité du journal survivait à trois membres.  Trois membres qui avaient de plus en plus de difficultés à jongler, maladie, famille et travail.  Les parutions qui revenaient à  tous les deux mois étaient devenues une corvée supplémentaire dans nos vies.

Je croyais que la fin de cette aventure serait un soulagement, un grand souffle qui me donnerait un sentiment de libération.  Non, au moment de poster le dernier numéro de notre bébé, je ne ressentais qu’un vide, de la tristesse de voir toutes ces années de travail envolées en fumée, sans savoir si quelqu’un reprendra le flambeau.

Certains penseront que j’exagère, pourquoi pleurer pour du papier? En fait, je répondrai que L’Odyssée de Rapide-Danseur était comme une grande histoire d’amour.  Il a été témoin de notre vécu artistique, de notre actualité, de notre politique municipale, de notre vie communautaire et de nos propres vies.  Chaque numéro était unique et reflétait une facette de notre communauté que ce soit dans ses bons coups ou ses moins bons coups.  Comme journalistes communautaires (oui des journalistes!), nous donnions notre meilleur pour livrer un bon produit à des lecteurs restant trop souvent silencieux.  Certains ne voyaient que les défauts, d’autres étaient fiers d’avoir un si beau journal.  Lorsque nous avions un commentaire positif, celui-ci pouvait nous motiver pour plusieurs mois, voir des années! C’est ce qui nous donnait la force de continuer, malgré les embûches.

Le comité du journal est un exemple de ce qui peut se produire quand la relève n’est pas au rendez-vous.  J’avais cru que se procurer une charte pour organisme à but non lucratif permettrait l’apport de sang nouveau par l’entremise des assemblées générales annuelles.  Je constatais l’épuisement de notre petite équipe et je croyais sincèrement que cela assurerait la survie du journal, mais non.  À notre première assemblée, seule une ancienne collaboratrice était là pour nous encourager et pour la deuxième, quelques mouches, présentes dans la salle municipale, tournoyaient sur elles-mêmes en faisant un petit bruit buzzzzzzz!

Je crois encore qu’un journal communautaire est essentiel dans un village tel que le nôtre.  Était-il dépassé? Devrait-il changer de format?  Devrait-il paraître seulement sur Internet?  Ces questions appartiennent à toute la communauté et aux gens qui prendront la relève… s’ils existent.  Pour ma part le dossier est clos, mais j’espère ardemment que notre bébé ne meure pas avec le départ de l’équipe en place.  Je crois que L’Odyssée mérite de survivre et de voir 2016 et j’espère que je ne suis pas la seule à penser ainsi.

Texte écrit par Isabelle Gilbert, ex-coordonnatrice de L’Odyssée de Rapide-Danseur