De la concentration au redéploiement, une chance à saisir
La révolution industrielle, née de progrès techniques dans les industries textile, minière et métallurgique dès la fin du XVIIIe siècle en Grande-Bretagne, a enclenché un vaste mouvement de concentration des moyens de production, des populations et des services. La recherche des économies de proximité inhérentes à la société industrielle allait entraîner un processus d’urbanisation sans précédent accompagné d’un exode rural massif.
Les réseaux urbains se solidifient, des mégalopoles surgissent alors que les petites villes et les territoires ruraux en régions subissent l’effondrement de leur économie traditionnelle. Le fossé se creuse entre ville et campagne, les disparités territoriales sont de plus en plus marquées. À l’intérieur des grandes agglomérations de nombreux dysfonctionnements apparaissent créant des conditions de vie difficiles à supporter en plusieurs lieux.
Cependant, des évolutions réalisées au cours des 40 dernières années dans les pays développés augurent d’une nouvelle ère, l’ère postindustrielle. Celle-ci se caractérise notamment par la révolution numérique, la dématérialisation de plusieurs secteurs de l’activité économique et la montée de nouvelles valeurs qui ne sont pas sans lien avec la prise de conscience de l’impératif du développement durable.
Le mouvement d’urbanisation a été nourri durant plusieurs décennies par l’exode rural, mais il se double d’un mouvement inverse depuis les années 70. Il s’agit du phénomène de l’exode urbain, une tendance qui va en s’amplifiant dans les pays développés, notamment en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord.
Ainsi, la marche de l’urbanisation révèle des signes d’essoufflement dans les pays d’économie postindustrielle. Un essoufflement qui se traduit par un desserrement de la concentration concrétisé par les départs de plus en plus nombreux de citadins et d’entreprises vers des petites et moyennes villes régionales et des territoires ruraux.
Certains fuient le stress, d’autres se plaignent du manque de confort, de la pollution, de l’insécurité, du caractère trépidant et déshumanisant des grandes villes. D’autres encore ne peuvent plus supporter le coût de la vie dans les centres. On découvre les vertus des petites villes et des territoires ruraux en régions.
Il y a là une conjoncture à saisir et à mettre au service d’un projet de société soucieux de durabilité et de justice sociale.
Changer d’époque et de mode de développement
Malgré les changements structurels profonds dont témoignent plusieurs indicateurs, rares sont les politiques et les collectivités territoriales qui les prennent en compte et qui préparent les milieux et les populations à changer d’époque et de mode de développement.
Les grandes orientations d’aménagement du territoire sont très souvent sclérosées dans les visions des années 60 et 70, alors que le monde change et avec lui le rapport des populations et des activités économiques avec l’espace.
Il n’est pas possible que les grandes villes et leurs banlieues continuent de croître de manière exponentielle, ce qui pose d’énormes problèmes d’infrastructure, d’accès au travail, d’alimentation, de qualité de vie… Heureusement, la conjoncture créée par les évolutions récentes est de plus en plus propice à l’exode urbain pour de nouvelles organisations de l’espace habité et de l’activité économique.
Saura-t-on saisir les opportunités offertes par le nouveau contexte de développement pour orienter et accompagner la reconfiguration de l’espace habité au bénéfice d’un projet territorial national actualisé? Ou poursuivra-t-on l’application d’un modèle de développement conçu pour amplifier les effets cumulatifs d’agglomération et de métropolisation des logiques économiques de l’ère industrielle, un modèle devenu obsolète?
Pour aller plus loin dans cette lecture, lisez ces textes du même auteur:
Pour une géographie volontaire de l’espace habité au Québec, Première partie
Pour une géographie volontaire de l’espace habité au Québec, Deuxième partie