Souvent, retour à la campagne rime avec vie de famille et enfants qui courent allègrement dans les champs. Rarement, il rime avec célibataire branché. Et pourtant…
Mon premier billet et je souhaite déjà défaire vos illusions. J’habite en région et je n’y suis pas revenue pour faire une multitude d’enfants et recoloniser mon Témiscamingue. Enfin, ce n’était pas le but premier. Je continuerai d’avouer mes péchés en disant qu’en plus, je suis trentenaire et célibataire. Mon retour en région a été le fruit d’une longue réflexion. Une réflexion tellement longue qu’elle a commencé le jour où je suis entrée à l’Université d’Ottawa et elle a duré les huit ans où j’ai habité en Outaouais. Un jour, les astres se sont toutefois alignés et j’ai décidé de faire le saut : je suis revenue pour me rapprocher de ma famille et pour participer au développement de ma région afin d’en faire un endroit où tout le monde aurait envie de vivre. L’appel du bois l’a emporté sur celui de la 417.
Il y a des jours par contre où l’on se rend compte que le célibat rural est franchement moins facile que le célibat urbain. En ville, la réussite n’est pas nécessairement synonyme de nombre d’enfants; la carrière, les voyages, les implications sociales, etc. entrent également dans l’équation. En région, accomplissement égale dans la plupart des cas : enfants, chien, maison, chalet et Ford F150. (La preuve? Il y a un onglet sur ce blogue consacré uniquement à ce thème.) Vous pensez peut-être que j’exagère ou que je généralise. Demandez à la caissière qui m’a posé la question fatidique alors que je magasinais du Duck-Tape pour réparer mon sac de voyage au cas où il rendrait l’âme au milieu du Camino Inca. « Pis toi, t’as des enfants? » « Euh non », dis-je en ayant envie de m’excuser et de me justifier, parce qu’à 31 ans, on a toujours la foutue envie de justifier le fait qu’on n’a pas encore enfanté. « T’as pas d’enfants??? » « Hum non, pas que je sache, mais euh… j’ai… euh… » On pouvait lire en grosse lettre sur son visage : « Je-te-juge ». Après avoir demandé des nouvelles de sa marmaille, j’ai payé mon Duck-Tape et je suis partie avec ma carrière, mes voyages et mes implications sociales dans le coffre arrière de ma Yaris.
Bien entendu, il faut se rendre à l’évidence que trouver l’amour dans le pré est moins évident que dans la gran’ville. Les blind-dates sont un défi en soi quand on connaît presque tout le monde. Pas question d’attendre l’autre au café avec un grand chapeau et une rose, car on sait presque toujours à qui on a affaire : c’est le frère de l’un, le cousin de l’autre. Il faut également accepter qu’il y ait de fortes chances que votre grand-mère, votre oncle ou votre voisin soit assis à la table d’à côté. Pour l’anonymat, on repassera. Ensuite, préparez-vous à rendre des comptes au reste de la familia et parfois au reste du village!
Après viennent les rumeurs. Des rumeurs parfois très farfelues, parfois moins glorieuses. Il faut accepter que les gens jasent de toi (Noir Silence nous avait avertis il y a quelques années). Dans un petit village, tout le monde est accroc aux potins qu’ils soient fondés ou non. On préfère en rire, parce qu’on aime bien aussi mémérer de temps à autre en prenant une coupe de vin entre amis. Ça fait partie du charme de la ruralité! Mais attention, ne garez jamais votre voiture dans la cour de votre date. Si un ami passait devant la maison, vous ne tarderiez pas à recevoir un texto vous demandant ce que vous y faites. Et ça, c’est s’il a la délicatesse de vous laisser vous justifier et qu’il ne va pas directito vous faire un « spotted » (On entend ici par spotted le dire à la première personne qu’il rencontre ou profiter du prochain 5 à 7 pour en parler à tout le monde).
En région, les six degrés de séparation tombent à deux degrés. Il est fort possible que vous fréquentiez l’ex d’une amie d’une amie. On n’y échappe pas. Avec ces deux degrés de séparation, viennent également les entendus-dires et les opinions déjà toutes faites sur les gens. Tout le monde a une idée sur tout le monde. Impossible de passer incognito et de bénéficier de la première minute pour faire bonne impression. L’impression est déjà faite. Il faut donc savoir passer par-dessus les commentaires de votre tante Jocelyne et laisser la chance au coureur.
Dans les petits villages, on patauge souvent en zone grise. Le gris étant la couleur de l’amitié. Quand on est tous amis, comment fait-on pour se décoller l’étiquette de l’amitié et se coller celle de l’amour? Parfois, on attend qu’un nouvel arrivant se pointe. L’occasion rêvée : lui ne sait encore rien de vous. Attention toutefois, la compétition peut être féroce. On est tous dans le même bateau après tout.
Ne vous méprenez pas. Malgré toutes ces embûches, j’ai toujours bon espoir que l’amour est effectivement dans le pré. C’est seulement que parfois, on a l’impression de chercher une aiguille dans une botte de foin.