La Chronique du Prof
Les néo-ruraux, qui sont pour la plupart d’ex-citadins, forment une part importante et grandissante de la population rurale d’aujourd’hui. Les territoires ruraux sont reconquis et recomposés en grande partie grâce à eux. Des rangs désertés par les populations agricoles au cours des années 60 et 70, ont repris vie petit à petit sur la base de nouvelles fonctions et de nouveaux « modes d’emploi » introduits par les néo-ruraux.
Plusieurs cohortes de néo-ruraux se sont succédées au fil des ans, parfois à l’intérieur d’une même communauté rurale. Les hippies et les baba-cools de la fin des années 60 (dans la foulée des soixante-huitards en France) ont inauguré ce mouvement. Bien que le désir de vivre sur une ferme, qu’on pouvait à l’époque acquérir à très bas prix, fût souvent le motif de départ, bien peu ont persisté dans un projet agricole durable. De nombreuses expériences, incluant les communes, se sont vite soldées par des échecs, faute de préparation, de ressources ou de qualifications.
D’autres sont arrivés et pour plusieurs d’entre eux il s’agissait plus du choix de « vivre à la campagne » que d’un « retour à la terre ». Bien que l’agriculture et l’élevage ne soient pas exclus, souvent orientés vers de nouvelles productions (maraîchage, arbres fruitiers, élevage de moutons, chèvres, alpagas…), en bio, selon d’autres modes de gestion et sur de plus petites surfaces, d’autres motifs sont venus nourrir cet engouement pour la campagne. L’attrait d’une meilleure qualité de vie, la valeur attribuée aux paysages et à l’environnement naturel, le milieu jugé propice pour élevé une famille, le coût de la vie moins élevé qu’à la ville sont les principales raisons du choix des néo-ruraux.
Dans le rang où j’habite sur les hautes terres de la MRC des Basques dans le Bas-Saint-Laurent, il y a déjà eu 14 fermes actives (et 34 chevaux). L’année qui a suivi notre arrivée en 1979, le dernier agriculteur de métier abandonnait sa terre faute de relève. Au cours des 10 années qui ont suivi, notre petite ferme ovine de 125 brebis allait se développer dans le cadre d’un projet de vie à la campagne, dans lequel les cinq membres de la famille étaient impliqués et y trouvaient plaisir.
Dans le cadre des travaux du Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ) au milieu des années 60, 83 paroisses rurales du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie avaient été ciblées pour être « fermées » pour cause d’inaptitude à répondre aux critères de l’agriculture productiviste. La forte mobilisation des populations concernées (les Opérations Dignité) n’a pu empêcher la fermeture sauvage d’une dizaine de paroisses, notamment derrière Matane et du déplacement de leurs résidents. Dans cette même pensée planificatrice, le ministère de l’Agriculture avait envisagé de « fermer » les rangs 4 et 5 de la municipalité de Saint-Mathieu. Des programmes agricoles n’étaient plus accessibles aux agriculteurs de ces rangs et des subventions étaient accordées pour la démolition des bâtiments de ferme.
Plusieurs granges et autres bâtiments sont aujourd’hui disparus dans le rang 5 (comme dans le rang 4), mais presque toutes les maisons ont été conservées et rénovées et sont occupées. De fait, ne restent plus de cette période de ruralité agricole que trois granges et trois hangars à machinerie qui ont été rénovées et affectés à d’autres usages.
Les fonctions résidentielle et de villégiature se sont substituées à une agriculture non viable sur des terres rocheuses et pentues, et cette présence humaine contribue à l’occupation du territoire, à l’entretien des paysages et au dynamisme renouvelé de la communauté. Il est révélateur de rappeler qu’une partie des matériaux de charpente des bâtiments démolis ont servi à la construction de chalets autour du grand lac de Saint-Mathieu et ailleurs sur le territoire.
Les nouveaux résidents permanents et saisonniers donnent lieu à une économie résidentielle et à une vitalité sociale qui renouvellent la communauté agricole d’autrefois.
Parmi les nouveaux résidents du rang 5, dont les plus anciens sont arrivés il y a 35 ans, il y a un pilote d’hélicoptère, un pilote de navire au long cours, un couple de médecins, une chercheure en épidémiologie de l’Université Laval, un entrepreneur en informatique, un directeur de la recherche-développement d’une société de Québec, trois professionnels retraités, une graphiste, un menuisier-charpentier, etc. Pour certains d’entre eux, les technologies d’information et de communication, incluant Skype et les téléconférences, permettent le travail à distance, pour les autres elles représentent un lien interactif précieux avec les membres de leurs familles et les amis éloignés, tout en offrant diverses sources d’information, de divertissement et d’achat à distance (livres, CD, etc).
Pour ceux et celles intéressés à en savoir plus sur le phénomène de la néo-ruralité et des néo-ruraux au Québec et en France, voici quelques liens et hyperliens :
Pour le Québec :
http://www.ruralite.qc.ca/fr/Enjeux/Migration-et-neoruralite
http://www.planete.inrs.ca/webzine/le-nouveau-retour-a-la-campagne
http://www.cjrs-rcsr.org/V34/4/CJRS-RCSR-34-4-02hDomon.pdf
http://www.vrm.ca/Cap_neoruraux.asp?ID=1190
http://www.cerium.ca/La-neoruralite-au-Quebec-facteur
Pour la France :
http://www.journaldunet.com/management/dossiers/031010vert/lead.shtml
http://immobiliermodedemploi.fr/enquetes/la-neo-ruralite-un-phenomene-de-societe/
http://www.ruralinfos.org/spip.php?article1339
P.S. : J’attire tout particulièrement votre attention sur ce dernier lien.