Je profite de mon emploi sur la Côte-Nord, cet été, pour faire un peu de tourisme dans cette région avec la chance de voir quelques baleines de temps en temps. L’autre jour, je me suis rendue à Kegaska, village majoritairement anglophone, au bout de la 138.
Relié depuis septembre 2013 au reste de la province par une route de terre, ce village regroupe une centaine de personnes et se situe à environ 50 km de Natashquan (Pointe-Parent). Les touristes s’y rendent principalement pour réaliser une photo avec la pancarte routière annonçant la fin de la 138 et pour faire quelques pas dans le sable, puisque le village n’est pas organisé pour accueillir un tourisme de masse. Personnellement, je voulais m’y rendre pour l’accès symbolique des lieux. Tu arrives au bout du chemin face au golfe du Saint-Laurent et c’est à couper le souffle.
Tu sais très bien qu’il existe d’autres villages plus loin sur la Basse-Côte-Nord. Par exemple, le film La Grande Séduction a bien fait connaître le petit village de pêcheurs d’Harrington Harbour avec ses légendaires trottoirs de bois. Toutefois, la seule façon de continuer ton chemin pour rejoindre ces villages est de prendre le bateau ou l’avion ou d’attendre l’hiver pour voyager sur l’« autoroute blanche » en motoneige, car ils ne sont pas reliés au réseau routier québécois. Ainsi, les jeunes étudiants anglophones de Kegaska doivent se rendre à Chevery, une municipalité non reliée par la route, pour leurs études secondaires en Basse-Côte-Nord. L’allongement de la 138 est dans le plan du gouvernement québécois, mais aucun échéancier précis n’est mis de l’avant puisqu’entre Kegaska et Blanc-Sablon, il y a plus de 400 km à couvrir dans des conditions géographiques et physiques particulièrement difficiles.
Cette réalité bien différente de la nôtre m’a poussée à réfléchir et à remettre certaines choses en perspective. Dans un monde où, même en vacances, certaines personnes ont des horaires tellement occupés qu’ils passent souvent à côté des plus belles choses et de moments uniques, car ils ne prennent même pas le temps de s’arrêter pour vivre le moment présent, j’envie un peu les gens qui vivent dans ces villages. Je sais très bien que certains se battent depuis des années pour la continuité de la 138. L’isolement de leurs villages diminue drastiquement les services qu’ils reçoivent et que le coût de transports est exorbitant, mais il reste que cela offre un aspect magique à cette région façonnée de paysages de rochers, de mer, de baies, d’anses et de rivières.