Tout a commencé l’autre soir, alors que ma fille et moi étions en train de nous mettre en pyjama. Elle me confie, sans aucun préambule : « Toi maman, pourquoi tu es grosse? »

J’étais sous le choc. Je réponds le plus doucement que je peux: « Euh…Hein? Mais voyons, je ne suis pas grosse… Pourquoi tu me demandes ça? »

Sentant qu’elle venait de dire une bêtise, elle se défend :

– Mais… c’est toi qui as dit que t’étais grosse sur les photos!

– Ha ouin?  J’ai dit ça? Ah… oui…

OUCH! Retour en arrière, quelques semaines plus tôt : je regardais des albums photos avec elle et mon chum. Je suis tombée sur une de moi que je n’aimais pas du tout, genre post accouchement, enflée et cernée, et j’ai lâché un « non, celle-là, personne ne la regarde, je suis trop grosse! » spontanément, sans y penser.

Et voilà l’impact de ma phrase irréfléchie, trois semaines plus tard. J’ai appris à ma fille qu’une femme active de 30 ans avec un poids santé était finalement grosse.  Parce que ma chérie ne fait pas de différence entre une photo post accouchement et une autre en tenue de gala: je suis sa maman tout le temps. Et maman a toujours raison. Alors si maman dit qu’elle est grosse, c’est qu’elle est grosse.

Ah-mon-doux que je ne suis pas fière de moi. De surcroît, par les temps qui courent, je suis de plus en plus préoccupée par l’éducation que je veux lui donner relativement à l’image de son corps . Avec tout ce que je vois passer sur le web, je sens le besoin de clarifier quelles sont les valeurs que je veux lui transmettre. Même à 7 ans, le web est déjà dans sa vie et le sera de plus en plus.

Une histoire m’a particulièrement marquée cet automne, celle d’une jeune femme de 19 ans publiant une photo d’elle en bikini. Cette photo a terriblement choqué, mais pas pour la tenue légère. On voyait du poil sortir de sa petite culotte, imaginez-vous donc. On a crié à l’indécence et Instagram a fermé le compte de la demoiselle artiste.On accepte des poitrines voluptueuses artificielles sur toutes les tribunes, mais trois poils mal placés, ça, c’est inacceptable. Pourquoi? Ce n’est pas hygiénique? Ce n’est pas beau?

C’est notre corps « naturel » en vérité: on a tous du poil. On exhibe avec fierté nos parties « traitées » par la chirurgie, par le maquillage, par un régime ou par Photoshop… mais on cache notre vrai nous.

Mais qu’est-ce que le corps humain a de si laid pour qu’on veuille le modifier tout le temps?

Quand je lis pareille histoire, je me demande toujours comment cela affectera ma fille et sa perception de son propre corps. Je me questionne à savoir comment je répondrai à ses questions. Elle voudra s’épiler et se maquiller un jour, c’est évident. Et je vais lui dire quoi, en tant que maman? Vais-je lui indiquer de suivre le courant social?

– Épile ton corps au complet ma chérie, parce que le poil, c’est dégueu

– Pis tant qu’à faire, on va aussi te blanchir les dents, te teindre les cheveux et on développera ensemble un p’tit trouble alimentaire pour avoir un thigh gap et montrer un bikini bridge cet été

– Si tu n’aimes pas ta poitrine, ce n’est pas grave, ça s’arrange avec de la chirurgie

– On va changer ta photo Facebook photoshopée au deux jours pour accumuler les j’aime, c’est le seul vrai barème pour évaluer ta vraie beauté

-Tu ne seras pas toi, tu ne te ressembleras plus, mais mon doux que tu seras parfaite mon amour! Tu auras le monde à tes pieds!

On connait très bien le mal de vivre avec un corps qu’on n’aime pas. C’est douloureux comme sentiment. Je ne souhaite pas cela pour ma fille.

Mais comment faire pour que cela n’arrive pas? Comment lui dire qu’elle est parfaite comme elle est et qu’elle le sera toujours? Comment la convaincre qu’elle n’a pas s’infliger de traitements pour devenir quelque chose d’autre alors que partout, on nous dit le contraire? Ai-je vraiment un impact?

Mais bien sûr. Parce que oui, ce que l’on peut voir et entendre nous touche, mais ma fille est d’abord influencée par la femme le plus près d’elle actuellement, c’est-à-dire moi. Et c’est moi qui me suis mis le pied dans la bouche en premier.

Je peux choisir de ne plus jamais dénigrer mon corps et de l’accepter dans tous ses états. Je peux montrer à ma fille que sa maman se donne les moyens de s’aimer comme elle est, même quand ce n’est pas facile et malgré ce que la publicité dit. Je peux décider aussi de ne pas accorder trop d’importance à la beauté et d’en donner encore moins aux regards des autres sur moi.

Peut-être qu’en étant cet exemple, elle sera armée plus tard contre les assauts publicitaires du culte du corps dénaturé, mais parfait. Je fais ce pari. Je décide d’être une maman exemple.

« Ma chérie, j’ai dit ça comme une blague et ce n’était même pas drôle. Des fois, je fais des blagues plates hein? Tu as raison, je ne suis pas grosse! Tu veux qu’on regarde des photos de quand tu étais dans mon ventre?»

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