Quand on m’a contactée au sujet d’un thème nommé « Habiter les terres », ça m’a tout de suite interpellée. Je n’avais pas la moindre idée par quel bord ce thème allait être exploité, mais je trouvais que ça faisait très rural. Parce qu’en milieu rural, on a l’impression d’être proche de la terre, de cohabiter avec elle. Et donc, de faire des compromis pour elle. Faire son compost, ne pas traiter le gazon chimiquement, enfermer ses poubelles l’été ans le garage même si ça pue pour ne pas attirer les bestioles, etc. J’ajouterais aussi la construction d’un énorme gazebo avec moustiquaire pour éviter les piqures d’insectes, mais ça, c’est peut-être juste moi.

Mais bon, j’ai finalement su exactement de quoi on voulait que je parle sur le blogue, et ça n’avait pas vraiment rapport avec les bibittes. Tout à voir avec le sentiment d’appartenance à une terre, un bois, une flore, un village, un patelin, une région. Tout à voir avec l’émotion qu’entretient l’humain et son milieu de vie.

habiter ma terre« Habiter les terres » est le titre d’une pièce de théâtre de la dramaturge abitibienne Marcelle Dubois. À l’affiche au Théâtre des Écuries de Montréal jusqu’à la fin du mois, la pièce raconte l’histoire d’un village menacé de fermeture qui, dans un ultime désespoir, kidnappe et plante dans un champ de navets le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Occupation du territoire pour obliger le premier ministre à venir leur parler. Je n’ai pas vu la pièce, dont seul le résumé me fait pouffé de rire (un ministre dans un champs de navets!!!), mais j’ai assisté jeudi soir dernier à la table ronde suivant sa représentation, où l’auteure était conviée.

Elle racontait alors que malgré qu’elle soit elle-même femme de région, elle avait encore de la difficulté à s’expliquer pourquoi les gens tenaient tant à leur petit village désert où on n’y retrouve plus de jobs, plus de commerces, plus d’enfants. Quand elle est allée aux sources pour trouver la réponse à cette interrogation, à savoir quelle est la raison à habiter une terre qui se dépeuple et se décline, elle s’est fait répondre : « Pour la dignité humaine ». D’une discussion sur l’exploitation de la terre au Québec de près d’une heure, c’est LA phrase que j’ai retenue. Celle qui a fait vibrer mes cordes.

Quand les écoles, les commerces et les shops ferment, il reste la dignité humaine. Quand il n’y a plus rien à exploiter dans le sol, dans l’air et dans les hommes, il reste encore la dignité humaine. L’homme s’attache à son coin de pays, il finit par faire partie de lui, de son identité. On déracine pas un homme d’un pays, c’est comme lui enlever toute trace de dignité.

Pourquoi les personnes âgées, au moment de choisir une résidence, prennent celles du village où ils ont demeuré toute leur vie plutôt que de choisir celles luxueuses de la -moyenne grande- ville ? Pourquoi est-ce que je me rappelle les larmes aux yeux des anciens résidents de Gagnonville lorsqu’ils me parlaient de leur bienheureux village aujourd’hui réduit à une ruine de trottoir sur le bord de la 389? À cause de la dignité humaine.

Habiter la terre ne se résume pas qu’à exploiter ses ressources jusqu’à épuisement. Ça se développe à une tonne de petits gestes, comme cacher ses poubelles ou faire du compost, qui créent des habitudes et des histoires qui construisent notre identité. Nous en déraciner a l’effet de nous enlever notre dignité.

Merci Marcelle Dubois. (On a le même nom de famille en plus, qui évoque la nature… La vie est ben faite, pareille!)

Habiter les terres, au Théâtre des Écuries jusqu’au 27 février.

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