Les régions du Québec, avec leurs villes de petites et moyennes tailles et leurs vastes territoires ruraux, doivent constamment défendre leur existence et leur contribution au développement de la société québécoise globale. Au moindre soubresaut des finances publiques, on n’hésite pas à se tourner vers elles pour les purger de leurs maigres ressources.

Après la santé et les services sociaux -et bientôt le système scolaire- c’est aux régions à goûter à la médecine de l’austérité budgétaire du gouvernement Couillard. Une médecine qui ampute sans trop se soucier de l’état dans lequel se retrouvera le patient.

Si l’objectif de l’équilibre budgétaire ne saurait être remis en cause, c’est dans la démarche et les postes de dépenses ciblés que les questionnements se posent. Du point de vue de la démarche, l’État choisit de réduire les dépenses publiques plutôt que de chercher à accroître ses revenus : au nom d’une certaine rationalisation on coupe dans les programmes à la population et aux régions –qui sont autant de bouquets de services-, alors que le capital productif et les hauts bénéfices de la croissance sont exclus de l’équation.

Abolition d’organismes de proximité. Qu’entend-on par décentralisation ?

Dans sa proposition de gouvernance des régions contenue dans le Pacte fiscal « transitoire » qui sera officiellement signé et dévoilé au retour du Premier ministre (début novembre), le gouvernement annonce que les 120 centres locaux de développement (CLD), les 19 conférences régionales des élus (CRÉ) et les pactes ruraux sont voués à disparaître. Les responsabilités de ces organismes seront transférées aux MRC. Avec toutefois des ressources en moins puisque le budget des CLD alloué désormais aux MRC passera de 72 à 33 M$. Le premier ministre avait pourtant promis aux élus municipaux que tout nouveau transfert de responsabilité serait accompagné des budgets correspondants.

Concernant les Conférences régionales des élus (CRÉ), s’il apparait pertinent de revoir leur statut et leur mission, leur abolition est une aberration. Organisme multisectoriel de dialogue, de planification et de concertation sur des questions et problématiques de développement qui outrepassent les frontières des MRC, la CRÉ a une raison d’être que les villes et les MRC ne peuvent assumer. Avec l’abolition de cette structure, le gouvernement récupère ce palier de gouvernance qui contribuait à réunir les MRC à travers une vision régionale tout en prenant en compte les spécificités territoriales. Autre geste centralisateur en même temps qu’il décapite les régions d’une instance nécessaire.

Le Pacte rural est le principal dispositif de développement de la Politique nationale de la ruralité. Le soustraire de cette politique pour le fondre dans un « nouveau programme de soutien au développement des territoires, doté d’une enveloppe budgétaire de 100 millions de dollars », c’est compromettre, sinon décréter l’arrêt de mort de cette politique qui a pourtant reçu tous les éloges, notamment de l’OCDE. Précisons que ce budget de 100 M$ n’est pas de l’argent neuf mais des soldes de budgets tronqués provenant de divers programmes de développement territorial.

Ainsi, à plus d’un titre, cette rationalisation se fait sous le signe de la centralisation des pouvoirs, sacrifiant l’instauration d’une « gouvernance de proximité » pourtant promise par le Premier ministre et le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, Pierre Moreau, lors du congrès de la Fédération québécoise des municipalités (FQM) de septembre dernier.

La perte d’une solide expertise en amont et en accompagnement de l’entreprenariat

Créés en 1997, les 120 CLD ont pour mission : i) de favoriser l’émergence d’initiatives locales de développement; ii) d’accompagner les porteurs de projets; iii) de promouvoir les valeurs de l’entrepreneurship dans le milieu. Principal outil du développement local, le CLD intervient bien avant l’acte économique proprement dit. Selon l’acronyme ISMFA qui résume les différentes facettes de leur travail, les CLD Informent, Sensibilisent et Mobilisent le milieu, organisent des Formation pour renforcer la capacité d’Agir (émergence et accompagnement des projets de développement). Ces actions en amont contribuent de surcroît à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté.

Ainsi en est-il des agents de développement rural qui encadrent l’application du Pacte rural à l’origine d’une effervescence de projets pour diversifier et redynamiser les espaces ruraux.

Autant sur les conseils d’administration de ces organismes que sur le terrain, de très nombreux bénévoles s’impliquent généreusement aux différentes étapes du processus de développement, motivés et gratifiés par la seule perspective du dynamisme et de la cohésion sociale de leur communauté.

À travers ses réformes, le législateur devrait avoir le souci de conserver cette riche expertise mise au service de l’essor et de la pérennité des régions. Le Québec de demain se construit avec ses métropoles et ses villes de centralité, mais aussi avec ses régions, ses petites villes, ses villages… et ses PME. Il faudra bien arriver un jour à comprendre cette réalité.

L’autonomie des MRC en matière de développement économique local est souhaitable, mais pas en sacrifiant le coffre à outils que représentent les CLD en termes de compétence humaines, de support technique et de ressources financières.

Parties prenantes du Pacte fiscal, les deux associations municipales (UMQ et FQM) ont été placées devant un fait accompli : une décision gouvernementale unilatérale. Avec un manque à gagner de 300 M$, les municipalités sont confrontées au cruel dilemme de couper dans les services ou d’accroître le fardeau fiscal local.

Au regard de ce grand dépouillement des régions, il est utile de rappeler qu’au printemps 2012 ce même gouvernement libéral a adopté une Stratégie et une Loi « pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires », lesquelles sont demeurées depuis des coquilles vides. Que d’incompréhension et d’indifférence, voire de cynisme, à l’égard les régions !

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