Il était une fois, un petit garçon du nom de Gaspard. Âgé de huit ans, il habitait à la campagne avec ses parents dans une grande maison de ferme entourée d’arbres et de fleurs. Dans la cour, des poules, des oies et des canards picoraient le sol à la recherche d’un vermisseau ou d’une herbe tendre.

Au bout des champs d’avoine et des pâturages où broutaient vaches et moutons, s’étendait la vaste forêt où Gaspard aimait faire de longues excursions. Lorsqu’il quittait le sentier qui traversait les champs ouverts pour pénétrer dans la forêt sombre et haute, Gaspard avait la sensation d’entrer dans une cathédrale, une cathédrale verte. Après quelques pas seulement, il était coupé du reste du monde. Ici, tout baignait dans une atmosphère à la fois de mystère et de recueillement. L’épais silence, rompu brusquement par des bruits étranges, donnait bien quelques frissons à Gaspard, mais il aimait cette sensation du danger procurée par l’inconnu.

Gaspard ne s’aventurait d’ailleurs jamais seul en forêt. Il avait un ami très fidèle qui le suivait partout où il allait. C’était son chien Flemmard. Né d’un père de race Collie et d’une mère de race Huskye, Flemmard était un chien superbe. Son poil était long et blond et ses yeux vert eau étaient charmeurs. De tempérament doux et pacifique, il accueillait les inconnus toujours avec jovialité et, plutôt de courir à droite et à gauche la journée durant, il aimait couler de longues heures à faire la sieste sous le poêle à bois l’hiver et sur la galerie l’été. C’est à cause de ce goût démesuré pour la sieste, que le papa de Gaspard lui avait donné le nom de Flemmard.

Ce samedi matin de fin du mois d’août, Gaspard avait décidé d’aller cueillir des champignons dans la forêt. La pluie chaude de la nuit était propice à l’éclosion des champignons. Accompagné de Flemmard, il  était parti tôt, emportant quelques provisions et un panier qu’il comptait bien remplir de beaux et succulents champignons avant la fin du jour.

Le soleil était radieux et une nuée de papillons multicolores les accompagnaient sur le sentier conduisant à l’orée du bois. Après quelques pas sous le couvert des arbres, ils se trouvèrent  à une croisée de sentiers. Sans hésiter, Gaspard s’engagea sur l’embranchement de gauche, que son père appelait le “Sentier du vieux bûcheron”. Il avait le souvenir de fabuleuses récoltes de champignons dans cette direction.

Les premiers champignons trouvés étaient petits et clairsemés. Ils couvraient à peine le fond du panier. Gaspard décida alors de s’éloigner du sentier, attiré par des coins plus sombres qui semblaient prometteurs de talles plus généreuses.

Absorbé par ses recherches, Gaspard ne réalisait pas le temps qui passait ni les gros nuages qui s’amoncelaient dans le ciel.

Tout à coup, un éclair cingla suivi d’un puissant coup de tonnerre. Gaspard leva la tête et pointa son regard vers une ouverture au-dessus de la cime des arbres. Il vit que l’orage allait bientôt éclater. Il lui fallait revenir vite à la maison.

Mais il s’était imprudemment enfoncé dans la forêt et maintenant que le soleil avait disparu, il n’avait plus aucun repère. Il était perdu. La pluie avait commencé à tomber. Transi et épuisé, Gaspard s’assit sur un tronc d’arbre mort et, à la pensée de devoir passer la nuit en forêt, il se mit à pleurer.

Flemmard, qui s’était aperçu de l’inquiétude et de la tristesse de son jeune maître, s’approcha de Gaspard et le tira par la chemise. Il l’entraîna à sa suite et quelques minutes plus tard, ils étaient à nouveau sur le “Sentier du vieux bûcheron”. Gaspard caressa tendrement son bon chien.

La pluie tombait de plus en plus fort et la forêt résonnait des éclairs qui déchiraient le ciel.

Gaspard se souvint alors d’une petite cabane, au bout du sentier,  qu’il avait découverte un jour avec son père. C’était la cabane du vieux bûcheron. Encouragé par ce souvenir, il se mit à courir et distingua bientôt, un peu à l’écart du sentier, une pauvre maisonnette aux carreaux brisés et à la toiture recouverte de mousse. Il poussa la porte et entra avec précaution, suivi de Gaspard qui alla fureter dans tous les coins.

Comme il y avait du bois sec et des allumettes, il s’empressa d’allumer un feu dans la cheminée afin de sécher ses vêtements et de se réchauffer. Maintenant qu’il était à l’abri, il sentit la faim le tenailler. Cette aventure avait aiguisé son appétit. Dans le sac à dos que lui avait préparé sa maman, il découvrit avec joie un lunch copieux et aussi un chandail chaud qu’il enfila sans tarder. Flemmard eut droit à un sandwich au jambon pour sa bravoure et sa bonne intuition.

Entre-temps, la pluie cessa et le soleil réapparut. Nos deux amis reprirent la route vers la maison où, un peu inquiets, papa et maman les attendaient avec amour. Les champignons n’étaient pas très nombreux dans le panier, mais on les trouva beaux et parfaits pour un prochain ragoût.

Cette nuit-là, Gaspard rêva qu’il était un grand explorateur au milieu de la jungle et Flemmard s’endormit en songeant qu’il recevait la médaille de la bravoure pour avoir sauvé son maître des monstres de la forêt.