Depuis la création du blogue Néorurale.ca à l’automne 2013,  je rédige la Chronique du Prof au rythme d’un texte par semaine (30 textes publiés). Ces rendez-vous hebdomadaires sont autant d’occasions pour moi d’entrer en contact avec vous pour participer à une réflexion sur une réalité de plus en plus présente en milieu rural dont l’impact contribue aux profonds bouleversements dans la nature et le rôle des territoires ruraux au Québec : la néoruralité et ses néoruraux.

L’attractivité reconquise des territoires ruraux permet en de nombreux lieux d’accueillir d’ex-citadins et d’expliquer l’inversion des mouvements d’exode. La néoruralité porte en elle des valeurs et une force qui participent au renouveau du monde rural. Et il ne s’agit pas d’un phénomène éphémère mais d’un mouvement de société -mu par des évolutions économiques, sociales et culturelles- qui redécouvre, valorise et se réapproprie des espaces de vie négligés, mal aimés, abandonnés au cours des cinquante dernières années.

Parmi les évolutions à la source de la mutation des espaces ruraux mentionnons : l’essor de l’économie du savoir qui génère des activités productives sans attache à l’espace (dites footloose), la généralisation de l’usage des technologies de l’information et des communications (TIC), la mobilité des biens, des services, des personnes et des systèmes de production, les dysfonctionnements des grands centres urbains, la montée de nouvelles valeurs dont celles liées à l’écologie, au développement durable et à la démocratie participative, la quête d’une meilleure qualité de vie…

La campagne québécoise est aujourd’hui l’objet d’un « puissant désir », pour y vivre, y travailler, s’y récréer, s’y épanouir. C’est un milieu qui a ses identités et ses fragilités. Désormais rêvé, convoité, fréquenté, occupé, l’espace rural oblige à un devoir de respect pour sauvegarder son authenticité, sa spécificité et son apport à la société toute entière.

Dans ce mouvement de reconquête et de recomposition des territoires ruraux, une menace plane : le transfert de la ville à la campagne, c’est-à-dire l’étalement du modèle urbain, tant dans ses infrastructures, ses équipements et ses modes d’organisation que dans les comportements du vivre-ensemble.

Il faut sauver les campagnes, sauver leur spécificité, tout en reconnaissant et favorisant leur transformation vers ce passage inéluctable et souhaitable que constitue la modernité. Mais, il faut le répéter, modernité n’est pas synonyme d’urbanité.

Face à la menace de l’urbanisation physique et culturelle des campagnes, une conscience avertie doit s’affirmer et des approches nouvelles d’occupation et de gouvernance des territoires doivent être élaborées et proposées, pour de nouvelles ruralités dans une perspective d’interdépendance et de complémentarité avec le réseau urbain.

À l’égard de cette mission, les ministères concernés, les facultés d’aménagement et d’architecture, les écoles d’administration publique, les élus et intervenants locaux, les mouvements associatifs… doivent se mobiliser. Une vigilance doit être instaurée et des modèles nouveaux d’aménagement, de développement et de gouvernance des espaces ruraux, spécifiques mais articulés aux villes, doivent être pensés et formulés.

Le Québec de demain se fait avec ses métropoles, ses régions et ses petites villes et villages. Les problématiques de croissance des métropoles seront en partie résolues par le desserrement, la déconcentration de l’activité productive de plus en plus immatérielle et supportée largement par les technologies de l’information et des communications qui libèrent de l’obligation de la proximité physique. En plusieurs domaines, la notion d’accessibilité se substitue à celle de proximité.

Les milieux ruraux sont d’ores et déjà « sollicités » par les manifestations de ce desserrement. On y recherche une meilleure qualité de vie, de nouvelles activités économiques y font le choix de leur installation, et on y applique de nouvelles organisations du travail tel le télétravail, des modes de vie inédits émergent.

L’occupation du territoire, son utilisation et son organisation entrent dans une ère où la concentration ne sera plus un impératif dominant pour nombre d’activités, de travailleurs et de familles.

Dans ce nouveau contexte, la campagne peut et doit se faire terre d’accueil pour l’égalité et l’équilibre des territoires.